RADIOSCOPIE DE LA FRANCE : REGARDS SUR UN PAYS
TRAVERSÉ PAR LA CRISE SANITAIRE

- La salle à manger - Nature morte de repas de Familles
L’alimentation comme un miroir social :
nature morte d’une séquence de repas autour
du quinzième jour du mois.
 « Comment en finir avec les faims de mois difficiles ? » titraient Juliette Delage, Kim Hullot-Guiot et Pauline Moullot dans le journal Libération au 25 février 2022. On y lit la peine à se nourrir correctement aussi bien en terme de qualité que de quantité. Un article qui révèle qu’à l’automne 2021, 30% des français rencontrent des difficultés financières à se nourrir sainement. Se nourrir, soit. Mais comment? L’impact direct de que l’on pourrait pourrait voir comme un ouroboros sociétaire prend la forme d’une nouvelle maladie, celle de la «malbouffe» : la NASH. Il n’est pas question ici de répertorier les sauces burger mais plutôt de faire état de ce que mangent les occitans. Je vais travailler sur le portrait d’un repas, sans protagonistes, le déjeuner évidement aussi fort en representation sociétale qu’un portrait. Le repas congestionne les maux de territoires tout comme le coeur de la photographie : l’instant, le moment
Aurelie et Jean-Gabriel, 41ans
Vivent et travaillent à Toulouse avec leurs enfants Charlotte 7 ans et Emilien 3 ans. La famille se réunit autour de la table tous les soirs de la semaine et le week-end. Les repas de midi sont pris à l’extérieur pour les enfants et les parents pendant la semaine. C’est Aurelie qui cuisine qui fait les courses au marché. Jean Gabriel s’occupe de l’épicerie. La famille prête une attention particulière à notre situation écologique en privilégiant le «local» et les petits producteurs. Aurélie fait donc ses courses une fois par semaine pour ce qui est des légumes au marché de producteurs de Saint-Aubin à Toulouse. Pour la viande, le fromage et le poisson, elle privilégie les petits commerces aux alentours. La viande, le poisson font leur apparition dans les assiettes le week-end. C’est comme le dit Aurélie «la famille fromage». Ils en mangent souvent le soir accompagné de légumes ou de féculents. Le budget mensuel est aux environs de 250 € hors extra et réajustement. Famille de musiciens, le rituel, le repas se fait autour de la table en musique et sans écran. Les diverses crises ont poussé la famille à être encore plus attentif à ce qu’ils mangent et à privilégier le fait maison
Stéphane 45 ans
vit sur une péniche depuis une dizaine d’année à Montauban dans le Tarn-et-Garonne. Son metier deouis peu de chauffeur routier de matières dangeureuses le pousse sur les routes des jours durants. Stéphane ne mange pas de féculents, pas de gluten. De la viande que très rarement. Son assiette est souvent garnie de riz complet d’ail cru et de compléments alimentairtes protéinés. Il a trouvé cet équilibre alimentaire et essaye de ne pas faire trop de dépenses pour son alimentation avec un budget mesuel autour des 150 euros
Joseph 22 ans, Andrei 19 ans, Tristan et Nico 20 ans
vvent au Mirail, cité de la Reynerie, en banlieue toulousaine. Joseph est étudiant en philo à l’université Toulouse Mirail, Andrei a arrêté la fac cette année pour se consacrer à la musique, Tristan était aux Beaux-Arts mais travaille maintenant dans une association culturelle. Nico est en deuxième année de design graphique. Cette collocation est né d’une rencontre aux Beaux-Arts. L’organisation est simple, c’est chacun pour soi. Ils ont chacun un étage dans le frigo, courses individuelles
Andrei et Joseph prennent soin chacun de préparer de vrais repas. Tandis que Tristan est dans une période performance sportive avec pas mal de compléments alimentaires. Nico mange ce qui passe et se fait souvent livrer avec quelques arnaques à Uber Eat. Tous mangent très peu de viande par souci economique, oeufs et fromages compensent. Pâtes et riz sont les basiques. Il n’y a aucun rituel autour du repas à part de temps en temps devant la console ou un «truc» sur un écran
Guillemette, Joshua et Calixte 12 ans, Virgile 11ans, Helie 8 ans, Auxence 4 ans
Vivent à Toulouse pour encore quelques mois avant de déménager à Dubaï, Sebastien, ingénieur aéronautique, va y travailler quelques années. Guillemette est souvent seule la semaine et les enfants mangent tous à la cantine. Le soir ils se retrouvent autour d’une grande table au coeur de la cuisine. Les repas sont pris sans écran sans musique avec les parents entre les quatre garçons permettant d’arbitrer le repas. Ils accueillent aussi le jeune Joshua, pensionnaire scolarisé dans un collège de sport de haut niveau. Sebastien d’une famille de fins gastronomes pousse ses enfants vers une découverte sans limites des goûts. Il leur dit souvent d’ajouter une cuillère de sucre quand Guillemette limite les doses. Les courses sont faites en grande surface pour l’épicerie et la viande avec une attention aigüe de Guillemette au budget, les légumes et le poisson sont achetés au marché.
Claude 65 ans
vit sur son bateau depuis 14 ans à Montech dans le Tarn-et-Garonne. Son bateau est posé au fond du canal, sans moteur, sans porte. ll vit dans 5 m² entre sa cuisine et son lit. Il préfère sa liberté que vivre dans un appartement comme tout le monde. Depuis deux ans financièrement ça va mieux car il touche enfin sa retraite. Il a pu s’acheter une Harley-Davidson mais pour rien au monde il changerait sa façon de vivre. Il mange pour se nourrir. Il ne prépare rien et réchauffe, cuit à la limite un oeuf, il ne mange pas de poisson, éventuelement des sardines pas de viande que la charcuterie, jamais de légumes. Sa petite faiblesse ce sont les bonbons, le chocolat, et « les têtes de nègres » comme il les appelait à l’époque. Son rituel. Le repas est devant un écran devant l’ordi ou devant le téléphone. Pour ce qui est du budget, il ne compte pas, mais ne dépense pas grand-chose, une vingtaine d’euros par semaine. La crise sanitaire n’a rien changé pour lui, ni sur sa façon de vivre, ni sur sa façon de manger. De toute façon il n’allait jamais au restaurant. Il ne reçoit jamais personne non plus.
Thomas 28 ans , Gilles 37 ans
Vivent à Toulouse. Gilles est infirmier urgentiste et Thomas assistant / photographe. Gilles travaille la moitié du mois en gardes de jour et la moitié du mois de nuit tandis que Thomas travaille en grande partie à Paris. Ils se croisent souvent n’étant pas sur les mêmes rythmes, ils prennent quatre à cinq repas ensemble par semaine, mangent simplement, cuisinent peu avec un faible pour des pâtes à la tomate ou de la soupe. Ils mangent beaucoup sur leur lieu de travail. Quand Gilles est seul, il ne cuisine pas, il se nourrit de yaourts, de fromage et de pain, et quand il est de garde la nuit, il lui arrive de ne pas manger pendant 24 à 48 heures. Ils dépensent assez peu d’argent, une soixantaine d’euros chacun par mois pour faire des courses et commandent des plats en livraison pour le même montant
Odile 83 ans,
vit dans les vergers de pommiers à Bio dans le Tarn-et-Garonne. Elle vit seule dans sa ferme depuis le décès de son mari. Ses journées sont rythmées par 3 repas, et commence par le petit déjeuner qu’elle adore avec ses tartines grillées de confiture accompagnées de noix et d’amandes. A midi c’est le gros repas de la journée, elle mange de la viande avec un petit faible pour la souris d’agneau, le vendredi c’est du poisson. C’est accompagné d’une salade et de légumes de son potager. Le soir son repas est plus léger, une betterave cuite au four et un petit potage, elle fait sa compote chaque jour car elle ne voit pas pourquoi « tu achèterais des desserts en habitant au milieu des pommiers ». Quand elle va faire ses courses elle ne regarde pas le porte-monnaie, elle achète ce qu’il lui fait plaisir.
Elodie, 33 ans
vit seule à Castanet en banlieue toulousaine. Elodie organise ses repas en trois temps. Elle petit-déjeune à son bureau le temps que son écran demarre. Elle grignote rapidement à midi sur place et fait son repas principal le soir tard en rentrant de la danse. Elle a décidé d’arrêter d’acheter des produits frais et de ne manger que des produits préparés surgelés. Elle argumente ses choix en disant qu’elle déteste cuisiner. Elle jetait la plupart de ses produits frais, et que pour elle la préparation d’un dîner ne doit pas prendre plus de «8 minutes». Son rituel se fait sur son canapé devant sa table basse et un écran. Par contre elle prend le temps de manger. Son repas est un réel temps de pause dans sa journée. Elle argumente aussi ce choix par une contrainte économique en prenant pour exemple que cette semaine, elle a fait des courses pour 25 € et qu’auparavant en achetant des produits frais cela lui coûtait deux fois plus cher. Tous les dimanches soir elle mange un McDo devant un film, son plaisir. Tout est bon pour elle, les légumes et la viande, mais «préfère les pâtes et les patate». Elle est tout à fait consciente de que sa façon de manger n’est pas idéale. C’est à son avis une des conséquences du confinement. Elle ne veut plus perdre de temps à tourner autour d’une casserole.
Ludovina 48 ans, Paulo 50 ans, et leurs enfants
Vivent à Cugnaux en Haute-Garonne. Ce vendredi soir était l’occasion de faire des spaguetti bolognaise pour la venue de l’ainé Joao et sa fiancée Filipa. Tous les repas de midi se font sur le lieu de travail, mais en revanche tout le monde se met autour de la table et devant la télé pour le diner. Ludovina prépare le repas et les enfants Katia 10 ans, Marco 19 ans et Jorge 22 ans mettent et débarrassent la table. Le repas est préparé à grande échelle. Il sert souvent de base pour le repas du lendemain midi, pour Paulo et Jorge qui mangent sur leur lieu de travail et Marco à l’école. Katia pour sa part mange à la cantine. Il y a de la viande chaque soir, peu de poisson, parce que habitant dans le sud du Portugal, Ludovina a l’habitude d’une pêche fraîche et du poisson qu’elle connaît, elle ne se reconnait pas loin de la mer sauf pour la morue, il y a aussi beaucoup de légumes. Paulo vient du centre du Portugal issu d’une famille de maraîchers, mais est pratiquement le seul à en manger. Les repas qui font l’unanimité sont les frites accompagnées de morue frite, et le poulet frit. Le budget de la famille est au maximum de 10 euros par repas, hors extra boissons, gâteau et dessert. Les courses sont faites au jour le jour, pas de réserve pour ajuster au mieux les provisions au budget. Par rapport à la crise sanitaire, rien n’a changé pour eux car ils ne sortaient que très peu au restaurant sauf en vacances
Simon 31 ans,
vit dans la barre le cristal aux Arènes à Toulouse. Il vend du café avec son triporteur et travaille tous les jours de la semaine. Il part le matin en achetant, un flan et des chocolatines ce qui le fait tenir jusqu’au soir, Il passe pas une journée sans manger des fruits. Vers 17 heures en rentrant chez lui, il cuisine des produits en général frais, achetés à la ferme Attitude chez les producteurs locaux. Il cuisine en musique ou en écoutant des podcasts, son plat fétiche c’est le sandwich « Simon », une tranche de rôti, du comté, des tomates séchées, de l’origan et une mayonnaise maison. Il mange de la viande de temps en temps mais pas en grosse quantité parce il préfére du jambon ou des lardons comme accompagnement.
Il dépense en général entre 15 et 20 euros par jour avec de la bière et des flans.
Lola 20 ans, Alise 25 ans, Lally, Lilou et Anaé ont 21 ans
vivent en plein centre de Toulouse en collocation depuis trois mois. Ce soir je les ai vu préparer le repas toutes ensemble avec un plat commun et des petites particularités pour chacune. Sachant que Alise est végétarienne et que les Lilou mange « sa » viande à tous les repas. Elles s’organisent en général pour passer chaque soir un moment autour de la table. C’est leur rituel de collocation. C’est pour elles essentiel. Chaque midi, elles déjeunent chacune de leur côté avec des écouteurs sur les oreilles, un écran devant les yeux et même certains jours dans leur chambre, par contre elles se sont mis comme objectif ce partage du soir. Elles mangent de tout mais la viande est accessoire et souvent ramener des week-ends passés chez leurs parents. Elles ont un budget moyen de 25 € par personne, sauf pour Lilou qui est au double à cause de la viande. Les petits plats refuge, mais « long à préparer » sont les lasagnes, le chili pour Lola et la raclette pour Alise. Elles ont pour la plupart toujours été en collocation une façon de rompre la solitude et faire face aux difficultés d’être étudiant aujourd’hui, après ce qu’elles ont rencontré pendant la crise
Stéphanie 41 ans, Achille 15 ans, Suzon 12 ans et Brune 9 ans
Vivent à Mazère-sur-Salat dans le Comminges au sud de la Haute-Garonne. C’est une garde alternée tous les 15 jours. Les déjeûners sont pris pour la plupart à l’extérieur la semaine, le soir Stéphanie a instauré un rituel autour du repas où les enfants chacun à leur niveau l’aident pour la préparation. Quoi qu’il arrive même lors d’activité en décalage le repas se fait non pas à heure fixe mais quand tout le monde est rentré à la maison. Elle cuisine énormément. C’est un budget sans limites, environ 300 euros par semaine et s’organise en général pour faire un repas qui sert au moins pour deux soirs d’affilés. Les semaines seules Stéphanie mange sans horaires simlplement quand elle a faim. Travaillant plus sans les enfants, pas mal de repas sont pris à l’extérieur. La crise sanitaire a tout changé après sa séparation et une organisation familiale nouvelle
Gabrielle 39 ans
Vit à Toulouse, travaille à Blagnac et Tarbes. Dentiste dans deux villes distantes de 150 km, Magalie a un rythme de travail qui ne laisse pas de place à la cuisine, sauf les week-ends. Elle fait peu de course, au jour le jour, au marché le dimanche pour des produits frais. Les soirs de semaine elle mange la plupart du temps un yaourt, des amandes accompagnées d’un verre de vin. Elle aimerait avoir le temps de cuisiner comme pendant le confinement. Elle essaye de s’aider d’un robot pour faire des préparations en avance et s’organiser des repas à emporter au cabinet, elle essaye de s’y tenir…. Son budget de 300 euros inclus pas mal de plats en livraison les midis et de restaurants
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